Aujourd’hui nous
commençons à faire du travail, ce sont des tranchées et des abris.
Mais plus du tout même genre que celles apprises, tranchées
profondes et étroites, et aussi bien dissimulées que possible avec
abris de chaque côté. Le travail est facile car à deux mètres de
profondeur nous ne trouvons pas une pierre. Terrain argileux et on
taille là-dedans comme dans du gruyère. Aussi avance-t-on à
creuser, et avec cela le terrain ne s’éboule pas. Aussi c’est
pain béni pour nous qui avons d'habitude des cailloux. Les tranchées
que nous exécutons sont à 3 km en arrière de notre cantonnement et
on mange sur le terrain, parfois on se met la [Illisible] pendant ces
moments nous tapons dans la réserve particulière.
Aujourd’hui nous avons assisté à un spectacle intéressant. Plusieurs avions volaient au-dessus de nos têtes et filèrent vers la bataille pour des reconnaissances.
Un de ceux-ci s’étant plus approché, les batteries allemandes ont dû l’apercevoir, et presque aussitôt un obus éclate dans la direction de l’avion, suivi d’un autre, et 18 ont éclaté ainsi dans l’espace d’une minute. Mais sans l’attendre, le pilote a continué son vol tranquillement, semblant ainsi narguer les canonniers ennemis. Nous avions déjà assisté à pareil spectacle deux jours avant, mais comme c’était très loin on ne voyait que les nuages de fumée produits par l’éclatement mais sans voir l’aéroplane.
On entend de grosses
pièces, ce sont probablement des 120 ou 155. De la grosse artillerie
anglaise est arrivée il y a deux jours et a remplacé un régiment
de 75 français qui est passé près de nous et est allé prendre un
autre poste de combat dans une direction inconnue, vers le nord
probablement.
Je reçois vers le soir le bonjour de Colin(1) qui a su qu’on était là par Chellier du Cours que nous avions rencontré le mardi en allant vers Buisan ; cela fait plaisir de sentir des pays tout près et je pense que bientôt on aura le plaisir de se serrer la main. Nous ne lisons aucun journal, par conséquent plus de nouvelles. Nous avons cela en moins, quoique plus près. On nous a dit que, dans la nuit d’avant, un convoi allemand avait été détruit par l’artillerie.
(1) André Colin, de l'Argentière, sergent au 159e régiment d'infanterie.
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