dimanche 30 novembre 2014

Lundi 30 novembre 1914

Je devrai marcher ce matin au travail. À présent ce sera moins pénible car il est établi par roulement, mais mon pied écorché me fait souffrir et je vais à la visite. Le major me dit que j'en ai pour 2 à 3 jours et que ce sera guéri. Mais que si je continue à marcher, cela s'aggravera, et j'en aurai ensuite pour plus longtemps. Le capitaine m'a fait appeler croyant que je n'avais pas voulu marcher afin d'avoir une journée, mais [je] lui ai dit que c'était impossible et que d'abord j'étais sur le cahier de malades et reconnu. Il y en a qui font beaucoup de zèle en chambre et à l'abri, mais s'il fallait qu'ils fassent comme tout le monde, ils claqueraient en peu de temps, et ce sont ceux là, qui la guerre finie, auront le plus de langue et n'auront jamais vu une tranchée et jamais eu le danger d'écoper une balle. Quelques émotions seulement quand un percutant tombe, car on ne leur laisse pas la liberté d'aller se mettre où ils veulent, sans cela on ne les verrait jamais.

Ce matin je m'offre un bon chocolat, car j'ai eu la veine de trouver du lait et m'en fais retenir tous les jours, et ayant toute commodité pour le faire cela va tout seul.
Le paysage est toujours le même : meules de paille dans les champs et à moitié démolies, le grain y est encore, on n'a pas eu le temps de battre. Les maisons sont saccagées de-ci-de-là, murs éventrés. La campagne est toujours morne sous un ciel gris, aucune vie ne l'anime. Les champs sont abandonnés et sont sillonnés par des tranchées, les paysans vont avoir quelque chose à combler après la guerre.

De certains pays, Roclincourt, Écurie, surtout à ce dernier village, il ne reste que quelques maisons et c'est bombardé tous les jours.

Ici la position va devenir terrible, car on fait sauter des tranchées au moyen de mines, et la guerre de siège ne nous dit trop rien, car on risque de rester aplati par terre ou de faire un voyage dans le ciel. Triste perspective comme aviation. Si on avait cru au départ venir faire des mines en plein champ, la guerre se fait difficile, et on a recourt à tous les moyens possibles et tous plus dangereux les uns que les autres pour se casser la figure. Nous voilà fin novembre, qui sait ce que nous réserve décembre, et si on verra la fin et en quel point on sera ? C'est le mystère de l'avenir.

samedi 29 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 29 novembre 1914

Même cantonnement, même travail.

Le fourneau de mine préparé par la 17/1 11, avant notre arrivée de le secteur, explose en bouleversant la tête de sape ennemie et en donnant naissance à un entonnoir de 9 m de diamètre, d'où la compagnie repart en rameau (rameaux n°12)

Dimanche 29 novembre 1914

J'ai dormi comme un morceau de bois et me réveille à 7 heures et demi, le sommeil dissipé mais fatigué. De toute la journée je ne fais pas 500 mètres. Je profite pour faire ma correspondance le soir, car j'ai reçu 7 lettres à la fois, et il faut que j'y réponde. Le manque de temps a mis du retard dans mon courrier.

Dans la ferme où nous sommes, et ma foi l'on est bien tombé pour une fois, car nous avons table pour écrire et un fourneau qui ronfle, et le patron, un cultivateur nous tend du café chaud et la goutte à bon compte, tout le monde est content. Les deux sergents qui sont avec moi, avons une pièce à côté, où un cuisinier de zouave nous a dit de nous mettre, et sommes comme chez nous et y couchons sur un matelas étalé par terre. Quel lit de plume comparé à la litière que l'on a eue jusqu'à présent. Quand le cuisinier a servi ses chefs, un adjudant, un maréchal des logis des chasseurs d'Afrique, et deux autres, on se fait cuire des plats et on se rattrape des jours où l'on n'avait pas de patates. Ici on en a dans le champ en face. Nous avons pu ainsi augmenter notre ordinaire car en ce moment la cuisine n'est pas merveilleuse à la section.

Le soir on a fumé quelques cigarettes, et en faisant les lettres, le patron m'a payé le café et ensuite le thé. C'est le premier que nous trouvons aussi aimable, car le genre du nord est d'être froid et peu communicatif. Mais il se trouve que mon proprio a resté longtemps à Paris, et peut-être est-ce pour cela qu'il est plus sociable. Il nous a aussi vendu du vin à 2 Fr le litre, on le trouve cher mais c'est du vieux et excellent. J'ai remarqué que dans le nord tous les vins sont en bouteilles et qu'ils sont de qualité supérieure, quoique ce ne soit pas leur boisson courante, ils aiment le bon et leur cave est en rapport. Je me couche à 10 heures du soir.

vendredi 28 novembre 2014

Samedi 28 novembre 1914

La nuit se passe assez calme, de notre côté des balles sifflent. À 6 heures du matin, sur notre gauche, se produit une contre-attaque allemande pour reprendre la tranchée abandonnée par eux la veille. Mais le coup ne réussit pas. Nous avons mis baïonnette au canon, au cas où l'on nous attaquerait aussi, et doigt sur la détente, et l’œil au guet on se tient prêt à toute éventualité. Mais tout se calme au bout de 20 minutes. Nous passons toute la journée car nous ne serons relevés que le soir. Cela fait un peu long comme durée de travail.

Vers 3 heures du soir, j'ai failli y passer. Un sapeur m'appelle pour me faire voir quelque chose dans les tranchées allemandes, à peine levons-nous la tête pour regarder qu'une balle passe entre nous deux et s'enfonce dans le parapet. On se baisse aussitôt après le claquement, dans le genre d'un fort coup de fouet, afin d'éviter une deuxième si elle vient, car c'est sur nous qu'on tire, pas d'erreur. On se regarde tous deux et on a une drôle de sensation, il était moins cinq comme on dit couramment. 10 minutes après et sur notre droite, on nous dit qu'un fourrier(1) de zouave vient de recevoir une balle en plein front. C'est généralement la tête qui attrape car c'est elle seule qui peut dépasser les parapets.
Enfin à 10 heures du soir on est relevé et on arrive (après une marche rendue pénible par l'excès de fatigue) à Anzin à minuit.

(1)Sergent-fourrier, grade remplacé par sergent-chef en 1928.

jeudi 27 novembre 2014

Vendredi 27 novembre 1914

7 heures du matin, on arrive au cantonnement, c'est l'église. On boit le café chaud en arrivant. Je cherche à dormir un peu mais dans l'église tout est pris. De la paille de partout et des hommes dessus. Je n'ai pu trouver de la place dans le cœur, et c'est au pied de l'autel que je puis sommeiller 1 heure environ, couché sur un peu de paille. J'ai pu admirer la beauté de l'autel qui est tout en chêne sculpté. Je n'ai jamais vu d'église aussi riche comme celle-là, c'est une miniature. C'est dommage de profaner de pareils endroits, car il y a des hommes qui font là comme chez-eux. C'est vrai que souvent c'est le manque d'éducation, et ils n'y mettent pas de méchanceté.

Je croyais dormir la nuit suivante, car on nous fait partir de l'église, et sommes cantonnés chez un propriétaire où nous couchons dans une salle chauffée et sur un matelas. Mais à 5 heures, on nous apporte un ordre et il faut partir à 6 heures du soir. Adieu matelas, ce ne sera pas pour aujourd'hui que je pourrai profiter de ta douceur.

mercredi 26 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 26 novembre 1914

Ordre de se transporter à Anzin-Saint-Aubin. Départ de Gouy-Servins à 13h30. Arrivée à Saint-Aubin à 18h30. A 21h, 3 sections partent au travail à Roclincourt à l'est de la route de Lille, à 600 m au nord de la route d'Ecurie à Roclincourt.

Ma compagnie est employée à organiser une 2e ligne de défense ; la proximité de l'ennemie oblige à travailler uniquement en sape. Quelques équipes de sapeurs sont envoyées dans la tranchée de 1ère ligne, pour commencer des attaques en rameau de combat destinées à ralentir l'avancement des sapes allemandes et pour envoyer des grenades à main, et même des pétards de mélinite amorcés dans les têtes de sape allemandes.

Travail par embrigadement.

Jeudi 26 novembre 1914

On était au travail lorsque vers 10 heures du matin arrive l'ordre de partir, pour aller du côté d'Arras à Anzin-Saint-Aubin.

Nous partons donc de Gouy-Servins à 1 heure 30 sac au dos, et on peut dire qu'il pèse, et les courroies me coupent les épaules, car voilà 25 jours qu'on ne l'avait pas endossé. On passe de nouveau à Camblain-l'Abbé où l'on fait une pose, ensuite Acq, et de là, on prend la route d'Aubigny. À Hautes-Avesnes, nous prenons la grande route d'Arras que nous suivons jusqu'à celle de Luël les Duisans (Agnez-les-Duisans). On arrive enfin à Anzin-Saint-Aubin à 7 heures du soir. On nous cantonne dans l'église pour y passer la nuit.

On en profite de manger un peu de pain, et on défonce une boîte de conserve, et cela fait le souper. On a faim. À 9 heures mauvaise surprise, on nous dit que les 1e, 2e et 3e sections partent pour le travail de nuit aux tranchées de première ligne. Malgré la fatigue causée par la marche effectuée, on part. La route est pénible et boueuse, défoncée par le roulement, et nous mettons 2 heures à atteindre notre but. À certains points non défilés les balles sifflent de tous côtés, personne n'est touché. La nuit se passe lente et triste. Les hommes ne peuvent plus donner, vaincus par la fatigue et le sommeil.

mardi 25 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 25 novembre 1914

Même cantonnement, continuation des abris.
Un s/m Borrelly, blessé à la cuisse et à la main par une balle.

Mercredi 25 novembre 1914

Aucun fait saillant à signaler, nous effectuons les abris sans être trop inquiétés. Les balles tapent dans le parapet avec un bruit de claquement de foret. D'autres passent non loin de nos têtes avec divers sifflements, provenant d'un ricochet ou de la balle qui file franchement. Le son n'est pas du tout le même. Plus au nord, la grosse voix du canon trouble de temps à autre le silence. Le temps est resté couvert, la température étant plus douce, le terrain a un peu dégelé, et l'on recommence à se crotter. Aucun obus n'a été tiré sur nous de tout le jour, cela m'étonne de tant de délicatesse à notre égard.

lundi 24 novembre 2014

Mardi 24 novembre 1914

C'est notre jour de repos, mais on en profite guère car nous sommes obligés de lâcher le camp du château et reprendre notre ancien cantonnement. Cela nous fait une mauvaise surprise quand on nous [l']apprend au réveil. Nous étions trop bien, et cela ne pouvait pas durer. Jalousie des armes, il ne faut pas être mélangé, dut-il y avoir de la place de reste.

Aussi toute la journée est-elle passée à faire un second abri dans les écuries où il pleut. Je fais installer cela avec des rondins, et en guise de toiture, on couvre avec de la paille, et l'on constitue ainsi un plafond. Il fait tout de même moins froid qu'auparavant. Aujourd'hui, la température s'est considérablement adoucie, et le peu de neige qu'il y avait a fondu, et je crains que les chemins deviennent boueux. Aujourd'hui deux hommes de la compagnie ont été blessés par des ricochets de balles mais pas gravement.

dimanche 23 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 23 novembre 1914

Même cantonnement. Les tranchées et boyaux (le tout exécuté en sape) sont terminés. On commence la construction des abris.

Lundi 23 novembre 1914

Le travail de nuit est terminé, et ce n'est pas malheureux. Trois sections travaillent de jour, et la quatrième se repose, et ainsi à chacune d'elle par roulement. Le jour, il fait tout de même moins froid que la nuit, et l'on fait plus d'ouvrage. Cela continuera-t-il longtemps ainsi, je ne sais. Les balles nous ont sifflé toute la journée aux oreilles et beaucoup frappaient sur le parapet. On devait nous apercevoir, mais personne n'a été touché. À un moment donné, on a fait tirer le 75 qui a envoyé quelques obus sur la chapelle, et immédiatement le zèle des tireurs ennemis s'est arrêté. Les chemins sont gelés, et il faut faire attention car on risque de tomber à tout moment.

vendredi 21 novembre 2014

Samedi 21 et dimanche 22 novembre 1914

Je passe ces deux jours au cantonnement, étant indisposé, quelques coliques. Aujourd'hui dimanche, je vais aller à la messe l'après-midi. Je vais avec quelques camarades faire une manille au café. C'est la première que j'ai l'occasion de faire depuis que je suis sur le front, et c'est d'ailleurs tout ce que l'on peut s'offrir comme distraction.

mardi 18 novembre 2014

Mercredi 18, jeudi 19 et vendredi 20 novembre 1914

Ces jours là s'écoulent comme les précédents sans amener aucun changement dans la situation. On avance toujours en sape, et viendra le moment qu'on pourra se parler sans trop élever la voix.
Jeudi vers 2 heures du soir, la neige s'est mise à tomber et a continué jusque vers 8 heures du soir. La couche atteint 10 cm, il a fallu évacuer notre cantonnement parce qu'il y avait de la neige. On s'est trouvé une place dans les caves du château dont nous habitions les écuries. Le château est, d'après les gens du pays, abandonné depuis 70-71, et d'après ce qu'il reste, a dû être luxueux car il est très vaste avec un grand escalier. Mais à présent les chambres n'ont plus de porte, et les cavités ont été bouchées avec des galandages en briques. Il a fallu faire des trous pour nous donner du jour. Pour moi, j'ai fini par trouver avec deux camarades un tout petit réduit au deuxième étage. On a bouché les jours avec de la paille, mis une couverture pour faire la porte et on est comme des princes. Manque la lumière, car nous n'avons en fait de croisée(1) que une petite ouverture de 40 cm carrés donnant sur le couloir. Mais cela nous vaudra moins de froid.

(1)Fenêtre

lundi 17 novembre 2014

Mardi 17 novembre 1914

Aujourd'hui repos, ce n'est pas de refus car on commence a être harassé. Le soleil s'est montré quelques instants, puis ce sont les nuages qui prennent le dessus. Du cantonnement on ne se croirait pas en guerre mais plutôt en grandes manœuvres. Les soldats plaisantent entre eux et n'offrent aucun aspect de tristesse. Mais le canon qui gronde plus loin nous tient à la réalité des faits. Dans la nuit on perçoit mieux le bruit d'un coup de fusil, cela provient sans doute du calme qu'il fait.

dimanche 16 novembre 2014

Lundi 16 novembre 1914

Parti au travail à 3 heures, c'est notre tour à marcher de nuit. Ce n'est rien rapport au danger, mais éreintant rapport aux chemins pleins de boue, et dans la nuit on tombe facilement dans des bas- fonds et on perd le sentier. La nuit a été froide, et on grelotte littéralement. Une canonnade très violente s'est faite entendre toute la nuit du côté de la Bassée, et l'on voit les sinistres lueurs des obus éclatant dans la nuit. Des fusées éclairantes sont lancées de temps en temps. Rapport à l'éloignement, nous ne pouvons pas entendre les coups de fusil mais il y aura une attaque d'un côté ou de l'autre.

samedi 15 novembre 2014

Dimanche 15 novembre 1914

Ce dimanche, je le passe dans la tranchée et n'ai pas eu le bonheur de pouvoir assister à la messe comme il y a 8 jours. La journée a été froide, et par suite j'ai grelotté de froid. La pluie a tombé à certains intervalles, de ce fait les chemins sont toujours impraticables, et c'est ce qui fatigue le plus. Dans notre cantonnement la nuit, le vent règne en maître, et la pluie passant à travers les tuiles crevées nous tombe sur le nez.

vendredi 14 novembre 2014

Samedi 14 novembre 1914

La journée se passe assez calme de notre côté. Quelques coups de canons de part et d'autre, mais du côté de la Bassée le canon tonne sans interruption. J'ai pu apercevoir le paysage de Lens à Béthune, c'est la plaine à l'infini, tachetée d'usines, montagnes de charbon et hauts fourneaux. Le temps est toujours pluvieux.

jeudi 13 novembre 2014

Vendredi 13 novembre 1914

Un vendredi et un 13, les superstitieux pourront croire que c'est un mauvais jour. Il est marqué seulement par un temps épouvantable, le vent s'abat en rafales impétueuses mélangées de gouttes de pluie. De notre baraque, où il manque des tuiles, nous recevons des gouttes d'eau sur notre lit, si cela peut s'appeler ainsi. Mais on songe aux camarades qui sont aux tranchées et l'on s'estime heureux.

J'ai reçu une carte de M.Tranchat me donnant des nouvelles des uns et autres. Cela fait plaisir quand les amis pensent à vous. De ma famille rien depuis plusieurs jours, cela me fait languir.
Aujourd'hui j'ai profité de faire plusieurs lettres, cela m'a fait passer ce jour maussade et m'a procuré quelques bonheurs. Ma journée est finie et vais m'endormir bercé par la bourrasque, et demain départ à 3 heures du matin. Le repos est précieux maintenant.

Ce jour, que j'avais le temps, je n'ai pas pu lire le journal, le vendeur n'est pas venu. C'est peut-être la faute au temps.

mercredi 12 novembre 2014

Jeudi 12 novembre 1914

Dans la journée, nous avons resté au cantonnement et nous sommes allés au travail la nuit. Celle-ci s'est passée froide mais calme. Pas un seul coup de fusil n'a été tiré dans la tranchée pendant la nuit. Sur le front que nous occupons les opérations sont calmes, et je crois que tout se reporte dans la région d'Ypres et de la Bassée, d'où nous entendons une canonnade incessante. Quelques fois, durant la nuit, quelques coups de fusil se font entendre de part et d'autre, ce n'est pas une attaque, mais simplement pour dire que l'on veille et que l'on est toujours là.

mardi 11 novembre 2014

Mercredi 11 novembre 1914

Voilà déjà un mois que nous sommes arrivés sur le front, et depuis cette époque les opérations n'ont guère changé. À part le nord et en Belgique, où les alliés ont fait des progrès importants, le reste n'a pas bien bougé. Du train dont cela va, il ne faut pas compter que cela soit fini avant Pâques. Que de souffrances à supporter d'ici là, et la mauvaise saison qui va venir encore aggraver la situation existante. J'ai lu hier que les Russes ont remporté une grande victoire, et qu'ils pénètrent en Allemagne. Cela pourra peut-être déterminer par la suite la durée de la campagne.

Nous avons travaillé avec le 9e régiment du génie. Avons posé des réseaux de fil de fer. Jusqu'à midi cela s'est bien passé, mais vers une heure, notre position étant plus avancée, nous avons dû être signalé à l'artillerie, qui s'est mise à nous arroser de shrapnells. Impossible de continuer de travailler, on dut se mettre dans les tranchées aux abris. Plusieurs éclats m'ont frisé et un obus m'a éclaté à deux mètres au-dessus de la tête, j'en étais enlourdi. Nous avons été quitte pour la peur car personne n'a été blessé.

lundi 10 novembre 2014

Mardi 10 novembre 1914

On travaille toujours sur la chapelle, qui est maintenant un amoncellement de ruines. Des tranchées où nous sommes, on aperçoit à travers le brouillard et à 20 mètres à peine, toute une rangée de morts. Il y en a de 25 à 30, tous sont tombés presque en ligne, fauchés sans doute par la mitrailleuse au moment d'une charge à la baïonnette. Les cadavres sont noirs car il y a un mois déjà qu'ils sont là, car il était impossible de les ramasser. Peut-être qu'à présent on pourra les enterrer sans être exposé à se faire tuer. Car on tire sur le premier qui sort. Voilà la guerre, où sont donc les conventions internationales et leurs applications ! Tout est violé, et plus de lois n'existent. C'est d'un triste spectacle que de voir cela, et on se sent remué jusqu'au fond de l'âme. De temps en temps, suivant l'air, arrivent les senteurs des corps en putréfaction, et il faut rester là dans cette atmosphère avec ce spectacle sous les yeux. D'après beaucoup, il paraît que cela n'est rien auprès de ce qu'ils ont vu. Je me demande alors ce que ce doit être.

Nous continuons à fortifier la position.

dimanche 9 novembre 2014

Lundi 9 novembre 1914

La nuit s'est passée sans beaucoup de mal. Sur les minuit, nous avons reçu des coups de fusils par les Allemands. Ce devait être une patrouille qui a pris pour des hommes, les hérissons que nous avions planqués par dessus le parapet de la tranchée.

J'ai gelé littéralement de froid cette nuit là. Le brouillard nous transperçait d'humidité. Nous sommes rentrés à 7 heures du matin au cantonnement, avons reposé le jour. Le trajet est très fatiguant il faut presque deux heures pour faire le parcours. Le bois est dangereux à parcourir, à certaines heures où les obus tombent par rafales.

samedi 8 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 8 au 22 novembre 1914

Même cantonnement ; même travail.

Voir  le plan des travaux sur Mémoire des Hommes (p8).

Dimanche 8 Novembre 1914

Nous avons repos ce matin. Aussi, j'en profite pour aller à la messe avec plusieurs camarades. L'église est pleine de soldats qui profitent de leur loisir pour venir puiser du réconfort dans la prière.

À 3 heures, notre section part pour les tranchées faire l'avancement, pendant la nuit, dans les points périlleux.

vendredi 7 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 7 novembre 1914

Même cantonnement ; même travail.
Les pelotons alternent entre eux, de jour de nuit.

Samedi 7 novembre 1914

La journée s'est passée calme. Les Allemands n'ont rien tenté et aucun coup de canon n'a été tiré de leur part. Que cela signifie-t-il ?

jeudi 6 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 6 novembre 1914

Même cantonnement, même travail. Blessé grièvement Reppelin Joseph s/m.

Vendredi 6 novembre 1914

La journée n'a pas été trop rude pour notre équipe, confection dans le bois de réseaux barbelés et transportables pour lancer par- dessus les tranchées. C'est un ensemble formé par deux morceaux de bois en croix et un autre perpendiculaire à ceux-ci, de cette sorte il y a toujours trois pointes en l'air, et reliés entre eux par des ronces. Cela constitue un obstacle très sérieux.

Un homme de la première section a été tué hier soir. Il a un peu levé la tête pour montrer un Allemand qu'il apercevait et a reçu une balle dans la tête. Pauvre malheureux, au lendemain il respirait encore, mais je crois qu'il n'y a pas d'espoir.

On devait de nouveau attaquer la chapelle mais cela a échoué. Les Allemands y ont placé quatre mitrailleuses, et c'est presque une folie, et il y a toujours une section de chez nous qui marche après pour transformer les retranchements et faire des abris, ce n'est pas le coin rêvé.

mercredi 5 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 5 novembre 1914

Les pelotons alternent entre eux ; de jour et de nuit ; pour l'exécution de ces sapes.

mardi 4 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 4 novembre 1914

Même cantonnement. A 3h, le 2e peloton va relever à N-D de Lorette le 1er peloton qui rentre au cantonnement. Au petit jour, la chapelle est reprise par les Allemands.

Le 2e peloton travaille en sape à réunir des tranchées.

Le caporal Foutroux est blessé à 11h.

lundi 3 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 3 novembre 1914

Même cantonnement.

Dans la matinée continuation du travail de la veille. Dans l'après-midi, le 1er peloton reçoit la mission de construire des abris et des boyaux de communication à l'est de Notre Dame de Lorette, après la prise de cette position par l'Infanterie. L'Infanterie en prend possession vers 17h00. Le 1er peloton commence immédiatement le travail qui dure toute la nuit. Le 2e peloton dans l'après-midi continue la construction du boyau de communication se dirigeant vers N-D de Lorette, jusqu'à 17h. Au moment de la préparation par l'artillerie de la prise de la chapelle de N-D de Lorette, un shrapnel allemand explosant au-dessus du boyau de communication, tue les 2 s/m Créton Joany et Bonnaffoux Joseph et blesse les 4 s/m Ravanat, Pellegrin, Buisson et Jarnonac.

Le 2e peloton rentre au cantonnement.

Joany Lucien Créton Mort Pour la France
Joseph Émile Bonnaffoux Mort Pour la France

Mardi 3 novembre 1914

Je n'ai pas eu le temps ces derniers jours de marquer les événements au fur et à mesure car le travail a été presque continuel. Mardi, nous avons travaillé 24 heures durant à agrandir des tranchées et à les relier par des boyaux de communications. Travail pas trop facile en raison de la proximité de l'ennemi, car nous sommes de 50 à 100 mètres des Allemands. Aussi les balles sifflent près de nos oreilles. On se relève par section, mais on est éreinté. Mardi soir, deux hommes ont été tués pas des éclats d'obus, et cinq blessés. C'est seulement par les obus que nous sommes atteints, et cela est idiot d'être ainsi démoli à 5 ou 6 kilomètres de loin sans pouvoir se défendre. Heureusement que cela ne se produit qu'accidentellement. Dans la section, nous avons eu relativement de la veine jusqu'à présent.

Dans la nuit de mardi à mercredi l'infanterie a pris une chapelle, et a fait un prisonnier, c'était un pionnier (c'est-à-dire génie), on travaille donc des deux côtés à fortifier. Mais la position n'a pas été occupée assez fortement, et le matin les Allemands l'ont reprise. De ce fait les matériaux que nous y avions transportés leur servent et le travail effectué aussi. Ça ne fait rien. La nuit dernière n'a pas été agréable pour nous car on nous tirait dessus par le flanc, et souvent ce sont les balles françaises mal dirigées. Il est vrai que, de part et d'autre, la nuit cela doit être pareil. La pluie tombait, et il était très difficile de travailler dans ce terrain qui ne laisse pas filtrer l'eau et ne forme qu'une boue. Aussi le matin, en rentrant au cantonnement, étions-nous pleins de terre et qui ne s'en va pas facilement. Et c'est à peine si cela commence à sécher sur ma capote, et deux jours après, où est passée la propreté. Nos fusils aussi sont rouillés. On n'a pas le temps de les astiquer, mais pourvu que cela fonctionne, cela suffit pour l'instant, et c'est notre plus grand souci. Heureusement que je croyais qu'on serait mieux dans ces paysages que du côté d'Arras. On sait toujours ce qu'on laisse mais on ignore ce que l'on va prendre. Aussi, à présent il m'est indifférent d'être ici ou là, pourvu que chaque jour qui s'écoule nous mène vers le but final qui est la paix.

Aujourd'hui jeudi, nous sommes rentrés à 8 heures du matin et ne repartons que demain à 5 heures. Cela fait 20 heures de repos, et nous allons en profiter pour dormir car le besoin s'en fait grandement sentir. On supporte encore car on est bien nourri, c'est-à-dire quantité suffisante. La viande est tendre c'est un plaisir. Jamais j'en avais mangé d'équivalente au régiment et du riz tous les jours par exemple. Du vin, on a du vin presque tous les jours, deux quarts et dans ces régions cela fait plaisir, car on ne trouve que des citrouilles et des chopes de bières. Comme alcool c'est de l'à-peu-près et elles titrent au plus 30 à 35°.

(Prochaine note le 6 novembre)

dimanche 2 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 2 novembre 1914

Le 1er peloton ouvre un chemin pour l'artillerie dans le bois de Bouvigny, parallèlement à un chemin existant, devenu impraticable. Le 2e peloton fait un boyau de communication, partant de la lisière du bois de Bouvigny (200 m au nord de l'Y de Bouvigny) se dirigeant vers l'H de Notre Dame de Lorette.

Lundi 2 novembre 1914

Le jour nous trouve en marche vers une forêt où nous allons faire une route, car celle qui existe est tellement boueuse qu'on ne peut y passer les canons qu'avec grande difficulté. Nous coupons le bois, qui est petit, c'est plutôt du taillis, aucun terrassement à faire le terrain est presque plat. Aujourd'hui les Morts, cela doit être un recueillement général en France. Qui n'aura pas un mort dans sa famille ? La journée est ensoleillée et le temps est doux avec une légère brise. Nous sommes un peu tranquilles et les obus ennemis ne se sont pas encore faits entendre sur nos têtes. Il est vrai que cette région est plus calme que celle d'Arras.

samedi 1 novembre 2014

JMO Cie 14/5 du 1er novembre 1914

La Cie se met en route pour Camblain l'abbé à 4h. De là elle est dirigée sur Gouy-Servins, où elle cantonne. Aucun travail exécuté.

Dimanche 1er Novembre 1914

Camblain-l'Abée, 10 heures du matin grande halte, on fait la soupe. Pour arriver ici nous avons passé par Marcoeuil, Mont-Saint-Éloi, Acq. Nous devons aller vers Lens car nous en sommes plus rapprochés que de Arras.

Des avions nous survolent, et presque aussitôt les shrapnells font leur apparition mais éclatent loin des avions.

J'ai réussi à prendre la carte du département du Pas-de-Calais à un almanach, et de ce fait je peux savoir dans quel coin on se trouve rapport aux lignes et aux principaux centres.

Il y a juste 8 jours, l'on se trouvait à Saint-Laurent et nous n'étions aussi tranquilles. Espérons qu'aujourd'hui cela se passera mieux. Des sapeurs du génie sont en train de faire un autel en plein champ où sera dite une messe demain, pour les morts de toute la division. Le général a là une excellente idée et je voudrais bien y assister, cela doit être quelque chose de triste et grandiose tout à la fois. On sera par le cœur et la pensée réuni à sa famille qui, là-bas à l'autre bout de la France, va faire un pieux pèlerinage au cimetière où sont les chers disparus. Et porter des fleurs en plus grand nombre en pensant aux absents, et qui des fois ne reviendront pas.

Midi, on arrive à Gouy-Servins. Il y a déjà des troupes, mais le pays n'a pas l'air d'avoir déjà été bombardé. Les cloches sonnent. Avec plusieurs amis, vers 4 heures, nous rentrons à l'église et assistons aux vêpres. Beaucoup de militaires viennent là se réconforter. À la soupe, j'ai le bonheur de trouver deux lettres qui m'attendent. De ma femme, c'est la première, aussi je lis avec empressement les nouvelles qu'elle contient. L'Autre, de mon frère Joseph. Tous se plaignent que les lettres n'arrivent pas vite.