À la gauche de la
route de Lens, notre galerie pour fourneau avance, l'équipe de
zouaves et sapeurs que j'ai mis sont réellement bons. Les zouaves
pionniers sont tous du Nord, et mineurs de profession, et arrivent à
faire un mètre d'avancement à l'heure dans ce terrain. Mais à 20
mètres en avant, sous terre, c'est plutôt pénible. À un moment
donné, la lumière s'éteint, c'est le manque d'air. Enfin, on a pu
charger le fourneau dans la journée, et il faudra le faire sauter,
car les Allemands doivent travailler à notre encontre, car on les
entend travailler assez distinctement. Mais dorénavant nous ne
viendrons plus dans ce secteur qui sera affecté au 2e génie. Nous,
on occupera la droite de la route de Lille.
C'est la veille de
Noël, j'ai fait un semblant de réveillon, un morceau de tarte et un
quart de blanc [de] Bordeaux offert par un lieutenant de zouave.
C'est maigre, mais à présent on n'est pas difficile et on se
contente de peu.
Je reviens au
cantonnement vers une heure du matin. Le ciel est pur et parsemé
d'étoiles et d'un calme parfait. C'est une vraie nuit de Noël, mais
on entend point de joyeux carillon durant le trajet. La raison en est
simple, il n'y a plus de clochers, et les cloches sont enfouies dans
les décombres. Quelle tristesse monte dans cette nuit avec les
silhouettes des maisons démolies, que l'on aperçoit noyées dans
les tranchées, et les coups de feu que l'on entend plus faibles à
mesure que l'on s'éloigne des lignes de feu. Vers minuit, j'entends
des feux de sapes sur Roclincourt, et le canon envoie plusieurs obus.
C'est pour faire taire les Allemands qui chantent dans leurs
tranchées, cela nous semble une profanation de leur part en cette
heure solennelle, et qui ne s'accorde guère avec leur mentalité ni
de leurs actes.
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