samedi 13 décembre 2014

Dimanche 13 décembre 1914

J'ai le bonheur d'avoir cette journée de dimanche presque entière, car je ne repars aux tranchées qu'à 8 heures du soir. J'assiste à un spectacle comme de ma vie, je n'ai vu le pareil. J'ai déjà eu l'occasion de dire dans ce journal, que nous étions logés dans l'église. Donc pour l'office, on avait redressé un peu la paille, de manière à avoir un couloir sur le milieu. Le chœur est débarrassé des bancs qu'on y avait déposés, et un prêtre soldat fait le service divin avec deux zouaves comme enfants de chœur. L'assemblée est composée de quelques femmes, deux religieuses et le restant de soldats de toutes armes et dans tous les accoutrements. Tous les visages sont graves et recueillis, et l'on sent le besoin qu'ont tous ces hommes, les jeunes de 20 ans et ceux à longue barbe, à élever leur âme, afin d'implorer Dieu pour qu'il accorde la confiance et l'énergie nécessaire afin de soutenir les fatigues et la lutte jusqu'au bout. C'est surtout le réconfort moral qu'on demande, car la plupart ont 3 mois et plus de campagne sans aucun repos, et les forces commencent à diminuer.

La messe est chantée par les soldats, et de la tribune où je suis, j'embrasse l'ensemble éclairé par un pâle rayon de soleil filtrant à travers les vitraux, et c'est quelque chose d'émouvant de voir tous ces hommes courbés avec à côté les sacs posés par terre et les fusils adossés au mur, équipements de-ci de-là, et au-dehors le canon qui tonne non loin de nous semblant nous dire de ne pas trop oublier les choses d'ici-bas.

Nous ne les oublions pas assez malheureusement, et le temps ne s'écoule pas à notre gré. Cette cérémonie me restera gravée dans la mémoire aussi longtemps que je vivrais, c'est une des principales émotions que j'ai ressenties à ce jour, et les larmes me montaient aux yeux. Que n'ai-je la plume d'un écrivain, je ferais un joli récit. Ce dimanche a été aussi nuageux que les jours précédents, mais c'est de coutume, et nous n'y ferions plus attention si cela ne nous portait pas préjudice pour les chemins.

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