lundi 3 novembre 2014

Mardi 3 novembre 1914

Je n'ai pas eu le temps ces derniers jours de marquer les événements au fur et à mesure car le travail a été presque continuel. Mardi, nous avons travaillé 24 heures durant à agrandir des tranchées et à les relier par des boyaux de communications. Travail pas trop facile en raison de la proximité de l'ennemi, car nous sommes de 50 à 100 mètres des Allemands. Aussi les balles sifflent près de nos oreilles. On se relève par section, mais on est éreinté. Mardi soir, deux hommes ont été tués pas des éclats d'obus, et cinq blessés. C'est seulement par les obus que nous sommes atteints, et cela est idiot d'être ainsi démoli à 5 ou 6 kilomètres de loin sans pouvoir se défendre. Heureusement que cela ne se produit qu'accidentellement. Dans la section, nous avons eu relativement de la veine jusqu'à présent.

Dans la nuit de mardi à mercredi l'infanterie a pris une chapelle, et a fait un prisonnier, c'était un pionnier (c'est-à-dire génie), on travaille donc des deux côtés à fortifier. Mais la position n'a pas été occupée assez fortement, et le matin les Allemands l'ont reprise. De ce fait les matériaux que nous y avions transportés leur servent et le travail effectué aussi. Ça ne fait rien. La nuit dernière n'a pas été agréable pour nous car on nous tirait dessus par le flanc, et souvent ce sont les balles françaises mal dirigées. Il est vrai que, de part et d'autre, la nuit cela doit être pareil. La pluie tombait, et il était très difficile de travailler dans ce terrain qui ne laisse pas filtrer l'eau et ne forme qu'une boue. Aussi le matin, en rentrant au cantonnement, étions-nous pleins de terre et qui ne s'en va pas facilement. Et c'est à peine si cela commence à sécher sur ma capote, et deux jours après, où est passée la propreté. Nos fusils aussi sont rouillés. On n'a pas le temps de les astiquer, mais pourvu que cela fonctionne, cela suffit pour l'instant, et c'est notre plus grand souci. Heureusement que je croyais qu'on serait mieux dans ces paysages que du côté d'Arras. On sait toujours ce qu'on laisse mais on ignore ce que l'on va prendre. Aussi, à présent il m'est indifférent d'être ici ou là, pourvu que chaque jour qui s'écoule nous mène vers le but final qui est la paix.

Aujourd'hui jeudi, nous sommes rentrés à 8 heures du matin et ne repartons que demain à 5 heures. Cela fait 20 heures de repos, et nous allons en profiter pour dormir car le besoin s'en fait grandement sentir. On supporte encore car on est bien nourri, c'est-à-dire quantité suffisante. La viande est tendre c'est un plaisir. Jamais j'en avais mangé d'équivalente au régiment et du riz tous les jours par exemple. Du vin, on a du vin presque tous les jours, deux quarts et dans ces régions cela fait plaisir, car on ne trouve que des citrouilles et des chopes de bières. Comme alcool c'est de l'à-peu-près et elles titrent au plus 30 à 35°.

(Prochaine note le 6 novembre)

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