Je n'ai pas eu le temps
ces derniers jours de marquer les événements au fur et à mesure
car le travail a été presque continuel. Mardi, nous avons travaillé
24 heures durant à agrandir des tranchées et à les relier par des
boyaux de communications. Travail pas trop facile en raison de la
proximité de l'ennemi, car nous sommes de 50 à 100 mètres des
Allemands. Aussi les balles sifflent près de nos oreilles. On se
relève par section, mais on est éreinté. Mardi soir, deux hommes
ont été tués pas des éclats d'obus, et cinq blessés. C'est
seulement par les obus que nous sommes atteints, et cela est idiot
d'être ainsi démoli à 5 ou 6 kilomètres de loin sans pouvoir se
défendre. Heureusement que cela ne se produit qu'accidentellement.
Dans la section, nous avons eu relativement de la veine jusqu'à
présent.
Dans la nuit de mardi à
mercredi l'infanterie a pris une chapelle, et a fait un prisonnier,
c'était un pionnier (c'est-à-dire génie), on travaille donc des
deux côtés à fortifier. Mais la position n'a pas été occupée
assez fortement, et le matin les Allemands l'ont reprise. De ce fait
les matériaux que nous y avions transportés leur servent et le travail
effectué aussi. Ça ne fait rien. La nuit dernière n'a pas été
agréable pour nous car on nous tirait dessus par le flanc, et
souvent ce sont les balles françaises mal dirigées. Il est vrai
que, de part et d'autre, la nuit cela doit être pareil. La pluie
tombait, et il était très difficile de travailler dans ce terrain
qui ne laisse pas filtrer l'eau et ne forme qu'une boue. Aussi le
matin, en rentrant au cantonnement, étions-nous pleins de terre et
qui ne s'en va pas facilement. Et c'est à peine si cela commence à
sécher sur ma capote, et deux jours après, où est passée la
propreté. Nos fusils aussi sont rouillés. On n'a pas le temps de
les astiquer, mais pourvu que cela fonctionne, cela suffit pour
l'instant, et c'est notre plus grand souci. Heureusement que je
croyais qu'on serait mieux dans ces paysages que du côté d'Arras.
On sait toujours ce qu'on laisse mais on ignore ce que l'on va
prendre. Aussi, à présent il m'est indifférent d'être ici ou là,
pourvu que chaque jour qui s'écoule nous mène vers le but final qui
est la paix.
Aujourd'hui jeudi, nous
sommes rentrés à 8 heures du matin et ne repartons que demain à 5
heures. Cela fait 20 heures de repos, et nous allons en profiter pour
dormir car le besoin s'en fait grandement sentir. On supporte encore
car on est bien nourri, c'est-à-dire quantité suffisante. La viande
est tendre c'est un plaisir. Jamais j'en avais mangé d'équivalente
au régiment et du riz tous les jours par exemple. Du vin, on a du
vin presque tous les jours, deux quarts et dans ces régions cela
fait plaisir, car on ne trouve que des citrouilles et des chopes de
bières. Comme alcool c'est de l'à-peu-près et elles titrent au
plus 30 à 35°.
(Prochaine note le 6 novembre)
(Prochaine note le 6 novembre)
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