vendredi 12 décembre 2014

Vendredi 11 et samedi 12 décembre 1914

Nous continuons à vivre dans les mêmes conditions que les jours précédents, mêmes marches pénibles pour se rendre aux tranchées, surtout la nuit où cela devient un vrai supplice. D'autre part on reçoit nombre de balles égarées car ne pouvant y voir, les fusils sont pointés n'importe où, et c'est comme cela que des sentiers difficiles en plein jour deviennent dangereux la nuit. Et dans le va-et-vient il y a toujours quelqu'un de blessé. C'est ce qui est arrivé ce soir samedi à notre relève ; un caporal de ma section nommé Gravier, un brave garçon, a reçu une balle à la tête en revenant des tranchées, et il en était déjà à plus de mille mètres. Je n'étais pas avec lui ayant passé avec mon équipe par Écurie, et lui, et c'est là où est la fatalité, au lieu de suivre le chemin habituel, avait pris un sentier qui raccourcissait. On l'a enterré le lendemain dans la cour de l'usine, à Roclincourt, qui est à présent un vrai cimetière. Cela fait réfléchir. Depuis quelques jours, cela fait déjà plusieurs de la section qui disparaissent, et ce n'est pas encourageant. Ce même jour, Brunet Laurent du Grand Villard reçoit une balle dans le poignet. Je n'ai pu le voir car il n'était pas dans mon chantier, il a été évacué de suite. Ce sapeur est un pays, il est du Grand Villard. Il en aura pour un bout de temps avant de revenir au feu, si toutefois il retourne.

Nos travaux de sape et de mine continuent activement. Je languis que cela se passe. Car près de nous, à 40 mètres, les Boches ont bouché le bout de la tranchée qu'ils nous ont prise, et en ce moment l'on voit un fort barrage de sacs à terre, ils ont construit là une sorte de petit fortin qui doit être défendu par une ou plusieurs mitrailleuses, c'est l'outil qu'ils mettent en première ligne. Depuis 3 jours, au moyen du périscope, je m'aperçois qu'ils sortent toujours de la terre de ce coin là, et je doute fort qu'ils sont en train de miner la tranchée ou l'avant, car ils s’aperçoivent bien que nous avançons en sape vers eux, et un de ces jours ils nous joueront un tour à eux.

On se méfie, mais pas assez. Une preuve de leur vigilance, c'est que chaque fois que l'on sort le périscope pour regarder en avant, ils nous tirent dessus et 2 fois déjà ils ont percé la boîte. Heureusement, qu'ils ont visé haut, sans cela c'est la tête qui trinquerait car, à certains endroits, le parapet n'est pas assez haut pour que la balle ne traverse pas, et l'on en a souvent les preuves.

Toujours des bombes nous sont flanquées par la figure et elles nous font des morts et des blessés, c'est l'engin qui nous embête le plus en ce moment, et les blessures sont terribles. Challier de Sainte-Catherine en a reçu une sur le dos, qui l'a couché, et a ensuite blessé deux zouaves en éclatant sans faire de mal à Challier, il en a été quitte pour une courbature, c'est de la veine.

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