mardi 30 décembre 2014

Mercredi 30 et jeudi 31 décembre 1914

Nous arrivons à fin 1914 sans modification aucune. Je vois partir sans regret l'année qui s'en va, car si elle a été joie jusqu'à sa moitié, depuis l'ouverture des hostilités, cela n'a été qu'une continuation de luttes et de souffrances. Et que de larmes et de deuils elle aura semé, et ce n'est pas fini. Tous mes vœux pour 1915 à nous soldats, et je crois que ce sont aussi ceux de la France entière, c'est que tout cela se termine au plus vite. Avec quelques camarades j'ai fêté par un bon repas l'année qui s'en va. Ce sont les colis que nous avons reçus qui en ont fait les frais. Il vaut autant profiter des bons moments qui se présentent. La vie qu'on mène n'est pas si agréable et le fil de nos jours peut-être compté d'un moment à l'autre. Que nous réserve l'année qui va commencer ? La guerre se terminera-t-elle dans les premiers mois, ou bien de longs jours passeront-ils avant de voir poindre la victoire finale.

Qui vivra verra !

lundi 29 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 29 décembre 1914 au 1er janvier 1915

Continuation des travaux.

Mardi 29 décembre 1914

Le temps est toujours maussade, variant d'un rayon de soleil à une averse. Il est vrai qu'il faut tenir compte de l'ébranlement de l'atmosphère par les coups de canon. Vers midi, les marmites rappliquent sur nos batteries situées à 500 mètres de nous, et nous suivons d'un air curieux les explosions et les gerbes de terre qui montent en l'air. C'est assez intéressant à contempler de loin, mais pas du tout à s'y trouver dans les parages. Je pars à 8 heures ce soir pour les tranchées. C'est la plus mauvaise relève, mais il fait lune et le temps a de nouveau l'air de se remettre au froid.

dimanche 28 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 28 décembre 1914

Continuation des même travaux. Les sapes sont poussées activement. En outre on commence une tranchée en sape vers l'est, partant du chemin creux, pour défendre le terrain à l'est de ce chemin.

Lundi 28 décembre 1914

Le résultat de l'attaque d'hier, c'est que bien préparée par l'artillerie, qui en effet a donné son maximum, trois tranchées ont été prises. On disait aussi le village de Carency, mais il n'y aurait rien de sûr. Pour nous, en se rendant aux tranchées et en passant dans Sainte-Catherine, avons essuyé quelques obus qui faisaient voler les tuiles. On en a été quitte pour se mettre une demi-heure à l'abri.

Le temps s'est de nouveau radouci, et la pluie tombe, de ce fait les boyaux de communication et les tranchées sont pleins de boue, et en certains endroits on enfonce à nouveau jusqu'aux genoux. Le pire est que les talus s'éboulent, et il ne reste plus de forme aux parapets, et les créneaux en bois dégringolent. Nous faisons toujours des mines et tête de sape pour rapprocher notre première ligne des tranchées ennemies. Quelques postes d'écoute sont établis de loin en loin, de manière à s'assurer si les Allemands ne travaillent pas vers nous, et prévenir leurs attaques souterraines. Vers 11 heures du soir, un vent violent se lève, et en revenant sur la route de Lille, il était si fort qu'il nous empêchait d'avancer à certains moments, et il fallait se cramponner les uns les autres. On est arrivé tout trempé, et plein de boue. Je souffre toujours pour marcher. Auparavant j'avais des souliers trop petits, on m'en donne d'autres qui ressemblent à des bateaux. C'est sans doute pour compenser le retard qu'on a mis à m'en procurer et on me sert copieusement. De cette façon, mes pieds naviguent au dedans, augmentés par la boue qu'ils amassent. Il me semble traîner des boulets. C'est bien l'armée.

samedi 27 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 27 décembre 1914

Continuation du travail.

Une sape russe est menée vers les travaux allemands, entre les 2 entonnoirs nord. 2 postes d'écoute sont établis au nord des 2 entonnoirs. Les travaux sont poursuivis pour l'établissement d'une tranchée de 1ère ligne, en avant de C8 et pour faire sauter 1° un nœud de sapes importants, à l'O. de la route de Lille par notre sape russe partant du barrage ; 2° et 3° les travaux allemands en avant de leur ancienne 1ère ligne en XX par la sape russe entre les 2 entonnoirs et une sape russe à l'O. du chemin creux.

1 mort : s/m Blétry

Marius BLETRY Mort pour la France

vendredi 26 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 26 décembre 1914

Même travail. On commence 2 sapes portant à droite et à gauche du barrage, l'une vers le sud et l'autre vers le nord. Une sape, du nouvel entonnoir se dirigeant vers la route de Lille. Une autre de l'entonnoir du 1er décembre, vers le chemin creux. Une autre de la tranchée 8 vers le nord, et 2 de chaque coté du chemin creux.

1 mort : s/m Moullet Henri
1 blessé : s/m Giret

Henri Albin MOULLET Mort pour la France

Samedi 26 et dimanche 27 décembre 1914

La journée de samedi à été marquée par la mort d'un sapeur tué d'une balle à la tête. C'est toujours aux premières lignes que cela arrive. Une bombe, en éclatant, blesse aussi un sapeur et un territorial, mais ce n'est pas très grave car ils se ramènent tout seuls. Ce matin vers 8 heures, dans une sape de tête, j'entends appeler, je m'approche et vois encore un sapeur ensanglanté ; c'est une balle qui vient de le traverser, probablement au cœur, car il n'a pas poussé un soupir et est mort aussitôt après. Détail plus navrant et ce dont je me suis rendu compte une heure après, ce sont les français qui l'ont tué, croyant tirer sur les Allemands. D'ailleurs il n'aurait pu être touché du côté ennemi, un fort parapet étant de ce côté. C'est ce qui prouve que la moitié du temps, les veilleurs ne savent pas exactement où sont les tranchées ennemies et tirent sur les leurs. Et ce n'est pas la première fois que cela arrive et malheureusement pas la dernière.

Celui qui a été frappé de cette mort, c'est son camarade qui était à côté de lui et qui s'était engagé pour faire la guerre avec lui, et il a dû éprouver une forte secousse en voyant tomber son ami, aussi le pauvre garçon en pleurait.

À une heure, le, ou plutôt les canons, se sont mis à vomir du feu, et pendant une heure durant, on peut dire que cela a été un grondement de tonnerre ininterrompu. C'était sur notre gauche et probablement une attaque qu'elle préparait sur Saint-Éloi. Si les Allemands n'ont pas quitté leurs tranchées avec la ferraille qui a dû tomber, c'est qu'ils y sont vissés, car s'ils ne s'en vont ils doivent devenir fous. Tout calibre devait donner 75, 90, 105, 120, 155. On aurait cru la fin du monde. On a essuyé en première ligne quelques obus venant des Allemands, et ils ont fait aussi marcher les mitrailleuses. En croyant qu'on voulait les attaquer mais tout s'est borné à une fusillade. Ce soir on me dit que le village de Carency est à nous. C'est près de Saint-Éloi. Je saurai demain plus exactement ce qu'il en est.

jeudi 25 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 25 décembre 1914

La Cie établit 2 postes d'écoute, en avant des 2 entonnoirs n°1 et 2 : une sape russe partant de l'entonnoir n°1 est dirigée vers la route de Lille. Les sapes en cours, en particulier celle reliant la tranchée C8 au pont de pierre, sont poussées activement.

Vendredi 25 décembre 1914

Noël, malgré que je me sois couché tard, il faut que je me réveille matin, par le remue-ménage que l'on fait dans l'église, car on fait sortir toute la paille pour pouvoir dire la messe. Elle a lieu à 9 heures 30, ce n'est plus la messe solennelle à laquelle on était habitué ; ce jour-là pas de décoration, rien, mais le spectacle est émouvant de simplicité, avec ce décor d'armes et d'uniformes.

Il fut dit une messe basse, et quelques cantiques patriotiques furent chantés en chœur. Je pense à toute la famille qui au pays, ce jour et à-peu-près à la même heure, priera aussi les absents. C'est une réunion d'âme et de pensée qui nous amène en ces lieux. Peut-être que ce jour leur paraîtra triste autant qu'il l'est pour moi, de me sentir au loin pour ce jour où l'on est d'ordinaire tous réunis. Mais les terribles événements sont là, et on a qu'une consolation, c'est d'espérer d'être réunis pour la Noël suivant. Ce jour-là on nous a un peu changé le menu, surtout comme dessert, confiture, biscuit, cigares.

mercredi 24 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 24 décembre 1914

On continue l'aménagement de l'entonnoir. Travail à la tranchée reliant C8 au pont de pierre. Le rameau à l'est de la route de Lille est poussé pour être chargé. Il est terminé, avec sa chambre aux poudres dans la nuit. Longueur totale 21 m. La Cie 17/1 M est chargée de le bourrer et de le faire exploser.

Jeudi 24 décembre 1914

À la gauche de la route de Lens, notre galerie pour fourneau avance, l'équipe de zouaves et sapeurs que j'ai mis sont réellement bons. Les zouaves pionniers sont tous du Nord, et mineurs de profession, et arrivent à faire un mètre d'avancement à l'heure dans ce terrain. Mais à 20 mètres en avant, sous terre, c'est plutôt pénible. À un moment donné, la lumière s'éteint, c'est le manque d'air. Enfin, on a pu charger le fourneau dans la journée, et il faudra le faire sauter, car les Allemands doivent travailler à notre encontre, car on les entend travailler assez distinctement. Mais dorénavant nous ne viendrons plus dans ce secteur qui sera affecté au 2e génie. Nous, on occupera la droite de la route de Lille.
C'est la veille de Noël, j'ai fait un semblant de réveillon, un morceau de tarte et un quart de blanc [de] Bordeaux offert par un lieutenant de zouave. C'est maigre, mais à présent on n'est pas difficile et on se contente de peu.

Je reviens au cantonnement vers une heure du matin. Le ciel est pur et parsemé d'étoiles et d'un calme parfait. C'est une vraie nuit de Noël, mais on entend point de joyeux carillon durant le trajet. La raison en est simple, il n'y a plus de clochers, et les cloches sont enfouies dans les décombres. Quelle tristesse monte dans cette nuit avec les silhouettes des maisons démolies, que l'on aperçoit noyées dans les tranchées, et les coups de feu que l'on entend plus faibles à mesure que l'on s'éloigne des lignes de feu. Vers minuit, j'entends des feux de sapes sur Roclincourt, et le canon envoie plusieurs obus. C'est pour faire taire les Allemands qui chantent dans leurs tranchées, cela nous semble une profanation de leur part en cette heure solennelle, et qui ne s'accorde guère avec leur mentalité ni de leurs actes.

mardi 23 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 23 décembre 1914

L'explosion est donnée, et le résultat est obtenu. La sape allemande est bouleversée, l'entonnoir occupé et organisé en tranchée demi-circulaire et relié avec l'entonnoir 11.

A signaler la conduite du sergent Triollaire, des s/m Arnaud Gaston, Rosset Mazarin qui ont occupé l'entonnoir et lancé des bombes dans la sapes allemandes sans interruption.

Mercredi 23 décembre 1914

Nous partons aux tranchées, plus tôt que de coutume, car il faut être rendu à 5 heures du matin, on doit faire sauter un fourneau, et nous allons renforcer la section qui opère. À 5 heures, l'artillerie ouvre le feu, et à 5 heures 30, le fourneau explose, une masse de terre est projetée en l'air, et un énorme entonnoir se produit, immédiatement occupé par des hommes. Des sapeurs sont dans l'entonnoir et relient en vitesse par un boyau l'entonnoir avec notre première tranchée. L'opération s'effectue sans trop de pertes, deux tués et quelques blessés. Les Allemands ont dû fuir car on leur a lancé des bombes en masse et ils n'ont que peu répondu. C'est ce qui prouve qu'on les a maintenus à distance, et le travail s'est effectué ensuite bien à couvert. Deux sapeurs et un zouave ont été cités à l'ordre du jour de la division.

Les jours sont froids, il gèle un peu et cela durcit les sentiers.

lundi 22 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 22 décembre 1914

Même travail.
Le fourneau 13 est chargé : 150 kg de poudre.

Mardi 22 décembre 1914

J'ai essayé de dormir un peu jusqu'à midi, et malgré que j'étais fatigué, je n'ai guère pu y parvenir, car il y a toujours quelqu'un qui fait du bruit. Et dans l'église, la moindre parole résonne. De ce fait, j'avais un mal de tête à mon réveil. Je vais me débarbouiller, ce que je n'avais pas fait depuis 3 jours ayant donné ma serviette à laver, et il faut a peu près ce temps là pour que cela sèche. Je reprendrai mon sommeil ce soir car je ne repars que demain à 4 heures du matin.

Temps pluvieux aujourd'hui ; on a affiché une proclamation du général Joffre disant qu'on va reprendre l'offensive générale. Espérons et souhaitons de toute notre âme qu'elle réussisse, et qu'on rejette l'ennemi hors de France. Mais cela va coûter cher pour les sortir des retranchements. Ce sera une deuxième bataille de la Marne, et peut-être plus terrible.

dimanche 21 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 21 décembre 1914

Continuation des travaux. On pousse particulièrement la construction du rameau de la sape de l'entonnoir et du rameau à l'est de la route de Lille.
Continuation de l'aménagement de l'entonnoir 12 et de la construction de la sape allant de la tranchée 8 à la route de Lille (pont de pierre).

Lundi 21 décembre 1914

Nous avons reçu une vingtaine d'hommes du dépôt de Grenoble. Dans un, je reconnais le fils Barnéaud de Vallouise, le fils du facteur. Cela comblera un peu les vides produits ces temps-ci. Nous avons attaqué la galerie, et le quart est déjà fait, on continue activement, il faut que le fourneau soit chargé dans la nuit du 24 au 25. C'est à cette date là qu'on doit probablement le faire sauter. La nuit est très froide, et il faut battre la semelle, heureusement qu'il n'y a pas d'eau dans les tranchées. Dans la nuit, il est sorti une patrouille allemande, elle a été aperçue en plusieurs points, et on lui a tiré dessus, mais comme on peut pas voir, il y a des chances qu'on ne l'ai pas atteinte, mais elle a été forcée de se retirer au cas où elle serait venue pour jeter des bombes. Nous rentrons à Anzin à 8 heures du matin sans incident.

samedi 20 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 20 décembre 1914

Vers 2 heures du matin un éboulement se produit dans la sape russe. Nous débouchons au centre de l'entonnoir fait par le fourneau du 1er décembre.

Le Lieutement Pomeau commandant la Cie est cité à l'ordre du corps d'armée.
Le s/m Mayet est cité également pour sa conduite le 10 décembre.
Les s/m Maury & Régnier sont cités à l'ordre de la division pour le même motif.

Le sergent Dumolard meurt à Hermaville des suites de sa blessure. Il reçoit la médaille militaire des mains du général commandant la 45e Division. Proposé déjà comme sous-lieutenant, et bien que sa nomination n'ait pas été prononcée, il est enterré avec les honneurs dûs à un officier, en raison de son courage et de sa belle attitude.

Léon Sévérin DUMOLARD Mort pour la France

Dimanche 20 décembre 1914

Je suis réveillé par le canon, mais il n'y a rien d'anormal, quelques salves. Le temps est d'un bleu splendide, et en effet le soleil qui arrive est chaud. C'est une vrai journée de printemps. C'est la première fois que je vois un temps aussi beau depuis que je suis dans le nord. Aussi, les avions mettent les heures à profit et toute la journée on les voit évoluer, même le saucisson (ballon capté allemand) est monté dans le ciel. Il y avait beau temps qu'on ne l'avait pas vu, et on ne désire pas sa compagnie car elle ne nous procure que des déboires.

Nous assistons à la messe, et on avait fait arranger l'église pour la circonstance. La foule est toujours composée de soldats. Ce soir à midi, je pars aux tranchées, et la chaleur nous fait transpirer ; en arrivant à Roclincourt, à l'endroit découvert, on aperçoit très bien le saucisson qui lui doit nous voir aussi, et il n'y a pas de doute à ce sujet, car il arrive trois obus de 77. Mais heureusement un peu court.

Nous allongeons toujours le boyau près de la tranchée allemande, bientôt on commencera le rameau, on n'est plus loin maintenant, 25 mètres tout au plus, aussi prend-on toutes les précautions pour éviter toute surprise.

J'apprends que le sergent blessé par la bombe est mort de ses blessures. On l'a proposé, je crois, pour la médaille militaire et le grade de sous-lieutenant.

vendredi 19 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 19 décembre 1914

L'attaque nouvelle projetée pour le matin vers 5 heures n'a pas lieu, sur l'ordre du colonnel commandant le sous-secteur de Roclincourt.
Le sergent Triollaire est cité à l'ordre du jour de la division pour sa belle conduite le 8 décembre.
Le sergent Dumolard est gravement blessé au champ d'honneur.

jeudi 18 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 18 décembre 1914

Une attaque qui avait été projetée pour la nuit n'a pu avoir lieu.

Vendredi 18 et samedi 19 décembre 1914

Les jours continuent à s'écouler sans amener de gros faits notables, canonnade de notre fait ou de celui des Allemands, duel d'artillerie et qui s'arrête souvent sur l'infanterie, il vient nous tracasser dans les tranchées.

Aujourd'hui samedi, les bombes nous ont fait des victimes dans une sape à droite de la route de Lille ; deux sergents de mes camarades étaient en train de regarder au périscope la direction de leur tranchée. Naturellement ce va-et-vient d'appareil au-dessus du parapet a été remarqué par l'ennemi, qui n'a pas tardé à envoyer des bombes, l'une a tombé près d'eux et l'explosion a coupé le pied et endommagé l'autre à un nommé Dumolard, 1ère section, l'autre en a été quitte pour la peur, mais a eu sa capote de jambière entièrement déchiquetée par l'explosion. Il a eu un peu de jambe écorchée, rien quoi. Celui-là est de ma section, aussi à présent a-t-on le trac car ce n'est pas encourageant et peu engageant. Celui qui a eu la jambe coupée a eu beaucoup de courage et fut retiré de suite malgré les bombes qui tombaient encore, et porté à Roclincourt au poste de secours afin de le soigner de suite, mais je ne sais pas s'il survivra. Le soir, celui qui s'en est tiré m'a raconté l'accident, et c'était encore à se demander comment il s'en est tiré, et en voyant son état je me demande en effet comme il a pu faire. Conclusion, ce n'était pas encore pour cette fois.

mercredi 17 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 17 décembre 1914

Même travail.
Le sergent Guichard est cassé de son grade pour mollesse dans son service, et passe à la Cie 17/1 M du 2e Génie.

Jeudi 17 décembre 1914

Je me suis réveillé la tête lourde. J'ai mal dormi, je ne sais pas si cela provient de la fatigue, car c'était une heure du matin que je me suis couché ; enfin je me suis remis, et après un bon déjeuner, chocolat au lait qu'on s'offre tous les matins, cela allait mieux. Je sens toujours mon pied qui me fait mal, et ce sera ainsi tant qu'on ne me donnera pas d'autres chaussures. Comme remède pansement humide et exempt de chaussures. Je ne puis aller aux tranchées pieds nus, je reste donc, nous verrons demain. Mais le remède principal qu'il faudrait ne vient pas, il faut encore attendre 10 jours.

Aujourd'hui violente canonnade sur la Targette, [Illisible] et Saint-Laurent, il paraît que l'on a avancé sur ces points, mais sur le nôtre c'est toujours là, c'est un coin redoutable et fermé, c'est le front du taureau. Le bombardement doit continuer demain, on doit tenter une poussée, les Anglais ont dû avancer et occupent Lens à ce qu'on nous dit. Si c'est vrai, les Allemands devront bientôt reculer car ils seront pris entre deux feux. Nous aurons, je crois, de drôles de fêtes de Noël, et comme sons joyeux ce sera le grondement du canon.

J'ai reçu des nouvelles de toute la famille et suis heureux que tout le monde soit en bonne santé et mieux placé que moi. Au point de vue guerre, c'est naturel que cela soit moi qui trinque, je suis le plus jeune. Je reçois deux colis, dans l'un du bon beurre du Queyras. Il est bon d'avoir une femme qui vous aime, et on souffre de la peine et du souci que l'on cause à ceux qui vous sont chers. Attendons les événements, on verra encore de terribles choses, si on a le bonheur de passer au travers de cet ouragan de fer.

Ce jour nous a favorisés, car il n'a pas plu, le ciel était presque clair. Aussi les aéroplanes ont recommencé leurs excursions autant d'un côté comme de l'autre.

mardi 16 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 16 décembre 1914

Même travail. Les sapes sont poussées activement.

Mercredi 16 décembre 1914

Je pars à 10 heures pour faire la relève à midi. Quelques obus, tombant au-dessus de nos batteries, nous font lever la tête car notre chemin nous fait passer près d'elles, mais c'est terminé, et nous continuons notre chemin le long du talus, jusqu'à 100 mètres de Roclincourt, mais là nous devons être aperçus de la crête sur notre droite car on entend quelques balles siffler. On active le pas pour rejoindre le chemin creux. Ce doit être une mitrailleuse qui nous tire dessus car les balles arrivent à intervalle régulier. Mais à présent nous sommes à l'abri. Notre durée de travail s'effectue sans incident. Je fais lancer quelques bombes par l'obusier lance pétard, et comme bruit cela en fait, et si on arrive à taper dans la tranchée, cela fait aussi du dégât. Les Allemands nous obligent de nous servir de leur procédé, et cela ne doit pas les faire sourire si cela leur tombe à côté. 500 gr de mélinite cela fait un déplacement d'air considérable, et ceux qui se trouvent dans le rayon d'action sont horriblement blessés s'ils ne sont pas tués. De plus, nous confectionnons des pétards bombes, on arrange de la ferraille autour du pétard ou bien on y met une dizaine de cartouches, et cela devient un engin diabolique, et qu'on lancera de la tranchée si une attaque se produit, et les effets en seraient terribles et refroidiraient l'élan des plus courageux. Fasse le destin que nous ne nous trouvions pas à une réception de ce genre, car on ne peut à cela opposer aucun moyen de défense. Le soir, en revenant, une balle perdue est venue tomber sur le pied d'un de mes hommes, mais il en a été quitte pour la peur, cela n'a rien été. Mais en arrivant, j'ai appris qu'un de ceux qui travaillaient à ma droite avait été blessé à l'aine par une bombe, mais ce n'était pas grave, néanmoins comme c'est un point délicat, on l'a évacué.

lundi 15 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 15 décembre 1914

Même travail. Le s/m Tavel est blessé au ventre dans une tranchée de 1ere ligne. Le s/m Rambaud est blessé à la cuisse par une balle.

Mardi 15 décembre 1914

Je suis toujours à la gauche de la route de Lille, où nous avons avancé en sape pour nous rapprocher de la tranchée que les Allemands nous ont prise et qu'ils fortifient. C'est le moment d'avoir l’œil de manière à ne pas se faire pincer.

Au fur et à mesure que nous avançons, on fait des banquettes et placer des créneaux dans lesquels on place des tireurs pour veiller à notre sécurité au cas d'une attaque. À 2 heures du soir je passe les consignes à mon suivant, le sergent Civalero, et m'en vais, mais à 20 mètres d'où je le quitte, je m'aperçois que j'ai oublié mes guêtres en cuir dans la tranchée. Je retraverse la route, et j'ai la surprise de trouver Civalero blessé, lui que j'ai quitté une minute à peine. C'est une balle qui a traversé le parapet et qui lui a éraflé la tête coupant le cuir chevelu. On le panse immédiatement et lui verse un peu de teinture d'iode sur la plaie, et je l'emmène puisque je m'en retourne. Je suis tout heureux que sa blessure soit légère, il sera évacué et tirera un mois de repos. Mais le pauvre garçon n'a pas de chance, les officiers et le major qui nous est affecté se débrouillent (vu que la blessure n'est pas grave) pour le garder. Cela est de la guigne noire, être blessé et se reposer au son du canon, ce n'est pas agréable, et on préférerait aller un peu en arrière. C'est une leçon car un autre cas se présenterait, ce serait dans une autre ambulance, de ce fait on serait sûr d'être évacué.

dimanche 14 décembre 2014

Lundi 14 décembre 1914

La nuit que je viens de passer n'a pas été très bonne, parce qu'il pleuvait, et j'ai passé dans des boyaux où nous sommes rentrés dans l'eau jusqu'aux genoux ; de ce fait, j'ai gardé le mouillé toute la nuit, et elles sont fraîches et longues ces soirées passées aux tranchées. On grelotte surtout quand on est trempé dessus et dessous, et je commence à sentir des douleurs dans les jambes, signe précurseur des futurs rhumatismes. Il faut veiller, et dans le boyau que nous faisons, en avant de la tranchée des tireurs, je fais faire des créneaux et placer des sentinelles pour veiller à notre propre sécurité et pour pouvoir se défendre, en cas d'une attaque toujours probable, mais tout reste calme, à part les coups de fusils qui sont tirés de part et d'autre comme de coutume pour se tenir en éveil, et faire voir que la guerre n'est pas finie.

Pour rentrer le matin, même manège dans la boue, heureusement que je puis me mettre au sec en arrivant, et c'est un grand bien. Nous avons depuis quelques jours, 20 zouaves par section qui viennent travailler avec nous pour s'initier au lancement des bombes et travaux de sapes, cela nous fait un apport de plus en hommes qui n'est pas à dédaigner, car la moitié des sapeurs sont embusqués, ce sont les poires qui marchent.

samedi 13 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 13 décembre 1914

La tranchée de 1e ligne est bombardée par l'artillerie allemande avec des obus de 155. Des chasseurs sont tués dans les entonnoirs. Nos travaux sont bouleversés et ne peuvent être repris que vers 2h du matin. Devant les bombardement les chasseurs évacuent une partie de la tranchée. Les sapeurs présents occupent les créneaux. L'ordre rétabli, ils remontent en hâte les parapets des tranchées bouleversées et reprennent le travail en sape.

Dimanche 13 décembre 1914

J'ai le bonheur d'avoir cette journée de dimanche presque entière, car je ne repars aux tranchées qu'à 8 heures du soir. J'assiste à un spectacle comme de ma vie, je n'ai vu le pareil. J'ai déjà eu l'occasion de dire dans ce journal, que nous étions logés dans l'église. Donc pour l'office, on avait redressé un peu la paille, de manière à avoir un couloir sur le milieu. Le chœur est débarrassé des bancs qu'on y avait déposés, et un prêtre soldat fait le service divin avec deux zouaves comme enfants de chœur. L'assemblée est composée de quelques femmes, deux religieuses et le restant de soldats de toutes armes et dans tous les accoutrements. Tous les visages sont graves et recueillis, et l'on sent le besoin qu'ont tous ces hommes, les jeunes de 20 ans et ceux à longue barbe, à élever leur âme, afin d'implorer Dieu pour qu'il accorde la confiance et l'énergie nécessaire afin de soutenir les fatigues et la lutte jusqu'au bout. C'est surtout le réconfort moral qu'on demande, car la plupart ont 3 mois et plus de campagne sans aucun repos, et les forces commencent à diminuer.

La messe est chantée par les soldats, et de la tribune où je suis, j'embrasse l'ensemble éclairé par un pâle rayon de soleil filtrant à travers les vitraux, et c'est quelque chose d'émouvant de voir tous ces hommes courbés avec à côté les sacs posés par terre et les fusils adossés au mur, équipements de-ci de-là, et au-dehors le canon qui tonne non loin de nous semblant nous dire de ne pas trop oublier les choses d'ici-bas.

Nous ne les oublions pas assez malheureusement, et le temps ne s'écoule pas à notre gré. Cette cérémonie me restera gravée dans la mémoire aussi longtemps que je vivrais, c'est une des principales émotions que j'ai ressenties à ce jour, et les larmes me montaient aux yeux. Que n'ai-je la plume d'un écrivain, je ferais un joli récit. Ce dimanche a été aussi nuageux que les jours précédents, mais c'est de coutume, et nous n'y ferions plus attention si cela ne nous portait pas préjudice pour les chemins.

vendredi 12 décembre 2014

Vendredi 11 et samedi 12 décembre 1914

Nous continuons à vivre dans les mêmes conditions que les jours précédents, mêmes marches pénibles pour se rendre aux tranchées, surtout la nuit où cela devient un vrai supplice. D'autre part on reçoit nombre de balles égarées car ne pouvant y voir, les fusils sont pointés n'importe où, et c'est comme cela que des sentiers difficiles en plein jour deviennent dangereux la nuit. Et dans le va-et-vient il y a toujours quelqu'un de blessé. C'est ce qui est arrivé ce soir samedi à notre relève ; un caporal de ma section nommé Gravier, un brave garçon, a reçu une balle à la tête en revenant des tranchées, et il en était déjà à plus de mille mètres. Je n'étais pas avec lui ayant passé avec mon équipe par Écurie, et lui, et c'est là où est la fatalité, au lieu de suivre le chemin habituel, avait pris un sentier qui raccourcissait. On l'a enterré le lendemain dans la cour de l'usine, à Roclincourt, qui est à présent un vrai cimetière. Cela fait réfléchir. Depuis quelques jours, cela fait déjà plusieurs de la section qui disparaissent, et ce n'est pas encourageant. Ce même jour, Brunet Laurent du Grand Villard reçoit une balle dans le poignet. Je n'ai pu le voir car il n'était pas dans mon chantier, il a été évacué de suite. Ce sapeur est un pays, il est du Grand Villard. Il en aura pour un bout de temps avant de revenir au feu, si toutefois il retourne.

Nos travaux de sape et de mine continuent activement. Je languis que cela se passe. Car près de nous, à 40 mètres, les Boches ont bouché le bout de la tranchée qu'ils nous ont prise, et en ce moment l'on voit un fort barrage de sacs à terre, ils ont construit là une sorte de petit fortin qui doit être défendu par une ou plusieurs mitrailleuses, c'est l'outil qu'ils mettent en première ligne. Depuis 3 jours, au moyen du périscope, je m'aperçois qu'ils sortent toujours de la terre de ce coin là, et je doute fort qu'ils sont en train de miner la tranchée ou l'avant, car ils s’aperçoivent bien que nous avançons en sape vers eux, et un de ces jours ils nous joueront un tour à eux.

On se méfie, mais pas assez. Une preuve de leur vigilance, c'est que chaque fois que l'on sort le périscope pour regarder en avant, ils nous tirent dessus et 2 fois déjà ils ont percé la boîte. Heureusement, qu'ils ont visé haut, sans cela c'est la tête qui trinquerait car, à certains endroits, le parapet n'est pas assez haut pour que la balle ne traverse pas, et l'on en a souvent les preuves.

Toujours des bombes nous sont flanquées par la figure et elles nous font des morts et des blessés, c'est l'engin qui nous embête le plus en ce moment, et les blessures sont terribles. Challier de Sainte-Catherine en a reçu une sur le dos, qui l'a couché, et a ensuite blessé deux zouaves en éclatant sans faire de mal à Challier, il en a été quitte pour une courbature, c'est de la veine.

jeudi 11 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 11 décembre 1914

Continuation des travaux. Commencé une sape offensive partant du 2e entonnoir parallèlement à la tranchée VIII et une autre passant de la tranchée VIII et cherchant à couper la sape allemande dont la tête à déjà été bouleversée le 1er décembre par l'explosion du fourneau 11.

Vendredi 11 décembre 1914

Ma section part à 11 heures du matin pour faire la relève à 6 heures. On nous a adjoint 20 zouaves par section, qui ont été pris parmi les mineurs et terrassiers, de cette sorte nous avons de fortes sections. Je suis placé à gauche de la route de Lille en face de la tranchée que nous avons abandonnée. On fait un boyau qui monte vers cette tranchée pour la prendre d'enfilade. Nous en sommes environ à 70 mètres. La route de Lille présente un triste aspect, elle est coupée sur plusieurs points, et les arbres sont hachés par les balles, les obus en ont coupé plusieurs et coupé un grand nombre de branches.

Avec un capitaine de zouaves, nous sommes allés voir les dispositions de l'état des travaux. Pour cela, nous sommes allés dans les tranchées des Joyeux, où se trouvait un périscope, appareil très simple formé d'un jeu de glaces qui permet de voir tout ce que l'on a devant soi, sans mettre sa tête au-dessus du parapet. Il n'y a que la glace qui dépasse, de cette façon nous avons vu la direction de la sape par rapport à la tranchée Allemande.

J'ai vu aussi les cadavres des zouaves tués au cours des assauts, et il y en a beaucoup, sans compter ceux qui sont dans les tranchées. Quelle désolation et dire qu'on est tous appelés au même sort. Enfin tout le monde n'y reste pas, et on a 50 chances de s'en tirer. La proportion est faible en effet, et encore plus d'être blessé. Je quitte le périscope, le capitaine regarde à son tour, mais les Allemands l'ont aperçu aussi, et une balle traverse l'appareil sans le casser. Heureusement que le parapet prenait, sans cela la tête recevait plusieurs fois. On tire au-dessus, et il faut changer de place si l'on veut continuer de voir.

Sur les 2 heures, au moment où on vient me relever, quelques bombes arrivent mais éclatent en dehors de la tranchée. J'ai su plus tard que sur la route, une bombe avait blessé 5 à 6 zouaves, dont 2 ont les jambes coupées, c'est terrible et il faut rester là. Nous, on en lance aussi mais ce n'est pas merveilleux. Naturellement, si cela porte dans la tranchée, cela doit aussi y faire du mal car la mélinite est terrible, mais on ne peut pas voir les dégâts que cela y cause. On commence quand même à s'inquiéter du mal que nous font ces bombes, et je crois qu'on va placer des mortiers plus gros dans les tranchées et pointés par des artilleurs. On termine par où on aurait dû commencer, et il faut que cela soit toujours l'ennemi qui fasse voir la marche à suivre.
Periscope tranchée française

mercredi 10 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 10 décembre 1914

Le capitaine Taupin est grièvement blessé par l'explosion prématurée d'un pétard au cours d'une instruction sur les artifices et le lancement de bombes à Louez. Le Lt Pomeau prend le commandement de la Cie. Le fourneau établi à l'est de la route de Lille en avant du fourneau du 2e Génie explose et est occupé par les zouaves.

A signaler la conduites des s/m Mayet, Maury et Regnier. Le s/m Mayet entre avec les 5 zouaves dans l'entonnoir et lance des pétards dans la sape allemande éventrée par l'explosion. Les s/m Maury et Reynier établissent rapidement les communication entre les 2 entonnoirs.

Jeudi 10 décembre 1914

On active les fourneaux de mines dans la première tranchée au cas où il faille l'abandonner. Dans ce cas, on ferait tout sauter de manière que la tranchée se comble et ne puisse servir à l'ennemi. Il n'y a plus eu d'attaques, on en revient tout de même, et cela coûte trop cher en hommes pour ce que cela rapporte.

Notre capitaine(1) s'est fait sauter le poignet en faisant des lances de pétards qui lui ont éclaté dans la main.

(1) Capitaine Taupin [JMO]

mardi 9 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 9 décembre 1914

Commencement d'une sape offensive à l'O.E. de la route de Lille se dirigeant à 5 m à l'est de la tranchée VII occupée par les Allemands.

Mercredi 9 décembre 1914

Voilà deux mois que nous sommes partis pour le front et, après diverses pérégrinations, nous nous trouvons de nouveau depuis quelque temps dans les environs d'Arras, où nous étions venus en arrivant. La situation depuis deux mois n'a guère changé de ce côté, si ce n'est de virulentes attaques de part et d'autre et qui se produisent encore ces jours derniers. Beaucoup de monde reste sur le terrain, et les blessés le sont dangereusement, aussi les pertes sont-elles sérieuses dans les zouaves. Mais il faut tenir, c'est peut-être le dernier effort que tentent les Allemands avant de se retirer. Qui vivra verra, c'est le cas ou jamais.

Cette nuit, il y a encore eu attaque de notre part vers Écurie, et l'affaire n'a pas très bien réussi. Il est vrai qu'on ne sait jamais bien les résultats, mais souvent, très souvent, il y a un manque de cohésion entre le commandement et les exécutants. Il faudrait auparavant en peser toutes les chances, et que tout le monde sache ce qu'il a à faire en cas de non réussite, et surtout qu'ils sachent où ils vont. C'est ce qui est arrivé il y a 8 jours, les zouaves de la deuxième ligne ont chargé sur ceux de la première, d'où pertes inutiles et effet moral désastreux.

Décidément, le temps veut rester mauvais, toujours sombre et brumeux avec pluie de temps en temps, ce qui rend les marches pénibles.

lundi 8 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 8 décembre 1914

Au petit jour, cette ligne est obligée de se retirer, ce qui permet aux Allemands de prendre la tranchée de la route de Lille à revers. Cette tranchée doit être évacuée. La situation est donc la même que pendant la journée précédente.

Nous faisons en sape une place d'armes partant du nouveau barrage en sacs à terre, vers le sud, faisant face à la route de Lille. Dans la nuit du 8 au 9, ordre est donné de détruire la portion de tranchée occupée par les Allemands. Une attaque à la baïonnette en déloge l'ennemi sur la route de Lille et à l'est. La destruction s'opère au moyen de fougasses formés de 9 pétards de mélinite, posés et allumés par le Sgt Triollaire et 10 sapeurs. Sur la partie comprise à l'O.E. de la route de Lille l'attaque d'Infanterie ayant échouée, la destruction ne peut être opérée. Le Sgt Triollaire fait preuve de sang froid en faisant évacuer complètement la tranchée. Il reste seul avec un homme et met le feu à 10 fourneaux puis va se rendre compte de l'effet des explosions. La tranchée de la route de Lille est complètement refermée.

Mardi 8 décembre 1914

Me voici au repos avec une bronchite attrapée pendant ces jours derniers et surtout pendant les 24 heures qui viennent de s'écouler ; de dimanche à minuit, à lundi à pareille heure, il s'est déroulé d'autres événements.

Nous travaillons dans toutes nos attaques, lorsque vers 6 heures du matin, à la pointe du jour, nous entendons des explosions de bombes successives et vers la tranchée de première ligne où nous avons deux rameaux. Les zouaves, attaqués à l'improviste et peu nombreux, arrivent à se sauver après avoir quelques hommes hors de combat. Mais nous avons quatre sapeurs qui, surpris dans les rameaux ont dû être faits prisonniers à moins qu'ils n'aient été tués, ce que je ne pense pas. Cela a été mené rapidement, et les ennemis retournent le parapet et se mettent à l'abri. Si nous avions contre-attaqué de suite on aurait pu mieux réussir à les débusquer, mais ils ont le temps de prendre position et installer leurs mitrailleuses. Vers une heure de l'après-midi, une compagnie de zouaves essaye de reprendre la tranchée à l'assaut, mais les premiers qui partent sont fauchés, et tout y passerait, et beaucoup de blessés sont ramenés en arrière, ceux qu'on a pu prendre. D'une section, il reste un homme.

À 3 heures, on bombarde par le canon la position, et pendant 20 à 30 minutes c'est un roulement de tonnerre, nous sommes là huit hommes dans un bout de boyau où nous commençons une tranchée et à peu de distance d'où partent les obus. Ils passent sur notre tête, et je sens l'air qu'ils déplacent. Les tranchées sont bouleversées et les Allemands doivent fuir, car à certains moments nos mitrailleuses fonctionnent. Le bombardement cesse, et l'assaut est donné sur notre droite, et en première ligne il tombe du monde, mais elle doit être prise, on ne voit pas très bien car il commence à faire nuit. Peu d'instants après, la fusillade se fait entendre devant nous, ce sont les nôtres qui tirent, par conséquent elle doit être à nous, et peu d'instants après les bombes tombent de nouveau sur cette tranchée, nos lignes sont pleines d'hommes de renfort pour l'attaque, et on ne peut passer dans les boyaux.
Nous sommes enfin relevés à 9 heures du soir, quelle misère pour revenir, il pleut et les chemins sont pleins d'eau, nous en avons jusqu'à mi-jambe. Tout le long du chemin nous trouvons des blessés que l'on porte au poste de secours. Quel spectacle. On m'a dit le lendemain qu'il y avait encore eu attaque dans la nuit et qu'on avait fini par abandonner cette tranchée pour laquelle 500 zouaves sont tombés, quelle perte.

De notre côté, quelques-uns des nôtres y sont restés. Que de sang répandu. De leur côté, les Allemands doivent aussi avoir du monde par terre mais on ne peut évaluer leur pertes. Ils doivent tenter un nouvel assaut, et pendant quelques jours cela va être terrible.

dimanche 7 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 7 décembre 1914

Même travail. A 6h30 une attaque ennemie déloge de la tranchée à l'ouest de la route de Lille les zouaves qui l'occupaient : 4 sapeurs qui travaillaient à l'un des rameaux peuvent s'échapper, les 4 autres sont fait prisonniers ou tués : cap Tourtet, s/m Durand, s/m Durand, s/m Pache.

Un barrage en sacs à terre est établi à l'est de la route de Lille. Les sergents Dumolard et Maréchal, le m/o Bérard placés derrière lancent des pétards sur une mitrailleuse allemande. A la suite de contre-attaques effectuées pour reprendre la partie de tranchée prise par les Allemands les s/m Lafont et Garambois sont blessés. Le m/o Gilibert, les s/m Clare et Pellissier sont portés disparus.

A l'attaque de minuit nous réussissons à nous emparer de la partie de la tranchée située à l'est de la route de Lille ; celle-ci conquise, les sapeurs font une barricade en sacs à terre sur le bord O.E. de la route et ne cessent pendant la nuit de lancer des bombes par dessus cette barricade. Nous réussissons à nous maintenir sur la route de Lille malgré les bombes et les pétards à main. Une ligne de tirailleur est installée sur le talus est de la route.

Camille Elie Joseph GILIBERT Mort pour la France
Louis Joseph PELLISSIER Mort pour la France
Albert André CLARE Mort pour la France

samedi 6 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 6 décembre 1914

Même cantonnement ; même travail.
Le s/m Briançon est légèrement blessé par l'explosion prématurée d'une bombe française.
Le m/o Giacobi, les s/m Viricel et Odoul sont blessés.

vendredi 5 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 5 décembre 1914

Même cantonnement ; même travail.
La compagnie reçoit des tubes lance-bombes dont elle assure le service. Un fourneau est établi à 12 m au nord de l'entonnoir provenant du fourneau 12, sous une sape allemande.

Samedi 5 et dimanche 6 décembre 1914

Ces jours se passent sans trop d'incident, notre travail aux mines et sapes continue. Toujours mauvais chemin pour le trajet, pluie et vent d'une manière constante. Les Allemands montrent une certaine activité, nous aurons probablement du chambard un de ces jours.

jeudi 4 décembre 2014

JMO du Cie 14/5 du 4 décembre 1914

Même travail.
Mort du s/m Allix frappé d'une balle dans la tranchée n°VIII
Ordre est reçu d'activer les travaux de défense en 1ère ligne, où il faut se maintenir à tout prix.

Jacques Adrien ALLIX Mort pour la France

Vendredi 4 décembre 1914

Aujourd'hui, nous sommes allés aux tranchées à 8 heures du matin. En route, on nous apprend qu'il y a encore un sapeur de tué. C'est un jeune homme des environs de Barcelonnette, il a reçu la balle en pleine tête et est mort sur le coup. Si cela continue, on y passera tous et cela fait réfléchir.

Nous faisons des rameaux de combat, et y faisons des fourneaux au bout, de manière à faire sauter les Allemands, s'ils viennent faire des tranchées au-dessus. C'est du travail dangereux, on a toujours peur d'une contre-mine et de rester aplati dans la terre. La séance est agrémentée par les bombes, et on a toujours le nez en l'air pour voir s'il n'en arrive pas une sur la tête. Quel sale coin nous avons de nouveau attrapé, enfin cela s'arrangera peut-être. Ce matin à la pointe du jour, les canons de 75 ont tiré pendant 20 minutes à toute vitesse, il y a dû avoir attaque du côté de Saint-Laurent et de la part des Allemands. Cela n'aura pas réussi. Depuis je n'ai plus rien su. On est sur les lieux et on ne sait rien de ce qui se passe à 1 km de soi.

mercredi 3 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 3 décembre 1914

Le 2e ligne est à peu près complètement organisée. Les attaques en rameau, dans la tranchée de 1ère ligne qui avaient été abandonnées par ordre, sont reprises.
Les s/m Alloix et m/o Delphin sont tués à l'ennemi, au cours du travail.

Damien Alphonse ALLOIX Mort pour la France
Constant DELPHIN Mort pour la France

Jeudi 3 décembre 1914

La nuit s'est terminée mais non sans incident, un homme de la section a été tué dans un boyau, il a dû se faire voir, sans doute. Le camarade qui était avec lui a failli y passer aussi, mais a pu se retirer en arrière en rampant sur le ventre. Il était émotionné, cela se conçoit. Cet homme n'a pu être retiré que la nuit sans danger. Depuis 24 heures, il n'y a pas de chance, car avant que nous arrivions, un sapeur de la première section, qu'on avait envoyé commencer à faire un trou quelques mètres en avant de la tranchée, avait été tué par un poste de zouave qui n'avait pas été averti et qui avait l'ordre de tirer à la moindre des choses. Voilà à quoi aboutissent les oublis. Quand les accidents se suivent de cette façon, cela fiche le noir et refroidit les bonnes volontés. Et c'est toujours bêtement que cela arrive. Nous avons enterré au cimetière de Saint-Aubin ces hommes. Tous ceux qui sont tombés ont toujours été enterrés. C'est un devoir à leur rendre, et on a toujours pu le faire jusqu'à présent.

mardi 2 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 2 décembre 1914

Continuation des travaux.
s/m Mouchaud blessé d'une balle au travail.

Mercredi 2 décembre 1914

Ma section étant rentrée le matin du travail, je ne partirai qu'à minuit. J'ai donc toute cette journée de libre, sauf quelques heures employées à faire fabriquer des hérissons, qu'il faut pour placer en avant des tranchées, et il en faut des quantités, toute la compagnie y travaille à tour de rôle.

lundi 1 décembre 2014

JMO Cie 14/5 du 1er décembre 1914

Continuation des travaux. Explosion du fourneau 11. Les Allemands, à la suite de cette 2e explosion ne paraissent plus travailler en tête de sape, à l'est de la route de Lille.

Mardi 1er décembre 1914

Mon pied m'a fait encore rester au cantonnement ; comme pansement je ne puis y mettre que de la teinture d'iode, mais le meilleur remède ce serait d'avoir des souliers plus grands sans cela mon talon ne guérira jamais.

Le temps est toujours très variable, et il fait beaucoup de vent. Depuis notre arrivée, je n'ai pas encore vu d'aéroplane, ni français, ni allemand, c'est vrai que leur tâche est rendue difficile par le temps qui n'est jamais clair, et le vent. De même, le ballon, que nous apercevions vers le nord-est de Roclincourt, ne s'y montre plus. Je n'en suis pas fâché car cela nous évite les obus. Les batteries, ne voyant rien, restent tranquilles, tirant de temps en temps sur les villages qu'ils supposent abriter des troupes et emplacements de batteries. Pendant ce temps elles nous laissent la paix (si on peut parler de la sorte).