samedi 10 janvier 2015

Dimanche 10 janvier 1915

Aujourd'hui le soleil a enfin daigné se montrer, et par miracle, nous avons eu un ciel bleu toute la journée. On croirait une journée de printemps. Cela suffit pour nous remettre en gaîté et nous faire oublier les souffrances de ces jours derniers.

Tout le long des palissades on voit des capotes et pantalons qui sèchent, chacun essayant de les nettoyer, et on racle la boue au moyen d'un couteau car il y en a un cent[imètre] d'épaisseur. Mais les vêtements restent marrons, il faudrait pouvoir les laver.

Comme si c'était fête sportive, les aéro[planes] et ballons captifs étaient dans le ciel. Il y avait longtemps qu'ils n'étaient sortis, aussi aujourd'hui ils s'en paient. Les polochons allemands, aujourd'hui on en voit deux, font tirer la grosse artillerie et les marmites tombent sur des meules à deux cents mètres de la route. Ils cherchent les batteries, qui en ce moment restent muettes. Personne ne tourne autour quand les ballons lorgnent. De nombreux obus éclatent au-dessus de notre patelin, car les avions le survolent, et ce doit être des Taubes, il faut se mettre à l'abri car les éclats tombent un peu partout.

Ce jour, voilà à peu près 3 mois, que nous sommes sur le théâtre des opérations, et notre front n'a pas changé sensiblement, toujours les mêmes lignes de feu, et cette situation peut encore se prolonger longtemps ainsi. D'après ce qu'a dit le général Quiquandon aujourd'hui, nous ne ferons que maintenir nos positions et ce sera d'autres troupes fraîches qui prendront l'offensive ; il est clair que ce ne peut-être les hommes qui sont là depuis 4 mois. Il a l'air de regretter de ne pouvoir être appelé à conduire les troupes en avant. Mais celles-ci ne demandent pas mieux et ne serait pas fâchées de pouvoir un peu se reposer. Serons-nous relevés ? Pour ma part, je ne le crois pas. Nous resterons là, et l'offensive se fera sur d'autres points. Nous ne ferons que suivre les fluctuations de la marche en avant ! Cela ne veut pas dire pour cela qu'on soit à l'abri des coups, car pendant qu'on cherchera à percer le front allemand par ailleurs, ceux-ci pourront essayer de percer vers nous et on continuera à se battre. Enfin, il faut avoir confiance puisque l'on parle d'offensive. Il faut croire qu'il y a, quelque part, une armée prête pour cela.

Pour moi, mon nez finit par guérir, c'est moins grave que je ne l'avais cru tout d'abord, et l'os n'a pas été tranché. Par conséquent la chair guérit vite. J'ai évité par cet accident 8 jours de mauvais temps, l'un compense l'autre.

Demain lundi, on me vaccinera contre la fièvre typhoïde, ce n'est pas un mal car il s'est produit quelques cas dans la compagnie, et il y a beaucoup d'évacués. Cela provient-il de l'eau, qui ma foi n'est pas bien bonne, ou de l'excès de fatigue et des refroidissements causés par l'humidité continuelle, et on dort au froid et au courant d'air, sur de la paille qui n'est pas précisément sèche.
Je suis toujours installé à la tribune de l'église, et suis en somme au premier, partie relevée, c'est très bien comparé au confort de ceux qui sont sur le parterre de l'église. Celle-ci présente tous les jours un aspect bizarre. Le soir, on dirait un campement indien, le matin un hôpital car tout le monde tousse, d'autres ont des pansements pour les blessures légères, ce sont ceux qu'on [n']évacue pas et qui restent dedans.

Pour dire la messe le dimanche, on écarte un peu la paille, enlève les sacs et on met quelques chaises que viennent occuper quelques femmes du village. Il y aurait un cliché à prendre et ce ne serait pas banal.

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